Un encens cruel
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Un encens cruel

Au vu de tous, gisent à la face du monde, des corps entourés de pneus enflammés, consumant chairs et os des victimes, et, dans la foulée, le vent se chargera de disperser les cendres dans l’atmosphère déjà polluée. Tout paraît comme si c’était normal, donnant l’impression que cette scène échappe à l’attention des passants et observateurs. Aucun signe de gêne ou de choc ! On dirait quelque chose qui leur est familier.

Cette pratique, aussi dégoutante qu’elle peut paraître pour certains, devient monnaie courante sous le regard complaisant de l’État, seul détenteur du monopole de la violence légitime (Max Webber).

En fait, il faut préciser que cette pratique ne date pas d’hier. Elle serait remontée dans l’histoire du pays aux années 80. Avant, en Afrique du Sud, on assistait à des scènes dans lesquelles les gardiens du système d’apartheid se faisaient flamber vivant par les résistants de Soweto ou de Johannesburg, Parce que ces derniers avaient le ras-le-bol des opérations de répression du régime. Peu après la chute de Jean-Claude DUVALIER, une foule en colère pourchassaient ardemment les Tontons macoutes, le véritable bras armé du régime. Et, l’unique sort qui leur était réservé était la fameuse pratique connue sous le nom de « Père Lebrun » qui consistait à lyncher et à brûler vifs les poursuivis. La forme équivalente du phénomène dénommé <<Bwa kale>>, entendu dans l’imaginaire populaire haïtien, une forme de vengeance populaire. Désormais, cette pratique a demeuré dans le temps. Les voleurs, les zenglendos, les criminels en ont fait les frais. Ce qui était flippant, c’est que les présumés coupables étaient punis souvent par leurs confrères, mais d’un autre clan.

Ce phénomène qui doit son origine au slogan populaire « Bwa Kale », regorge de plus en plus de violences. Une frange de la population, livrée à elle-même et qui en a assez de la situation sécuritaire du pays, se tourne vers cette démarche auto-défensive qui vise à se faire justice contre les atrocités des bandes armées. Munis de machettes et de toute sorte d’armes tranchantes, et sans oublier les bidons remplis d’essence, ils n’entendent laisser aucune trace de vie aux potentiels individus suspectés d’appartenir aux gangs armés. Celui ou celle dont le malheur était incapable de s’identifier, ou pire encore, montrant des signes le liant aux gangs, passe à l’infinitif. Quel dieu aurait soufflé une telle stratégie à un peuple terrassé de peur ! Il faut dire que même sans structures, le remède administré semble faire ses effets. Cette opération a permis de ralentir le train de l’insécurité et la peur aurait changé de camp depuis, les cas d’enlèvements suivis de séquestration ou de kingnapping ont considérablement diminué. On aurait dit, « populus inventus ratio solutio » contre la montée vertigineuse de l’insécurité.

En effet, je n’ai pas la prétention de m’ériger en donneur de leçon ni d’émettre des jugements malencontreux sur ces actes. On ne pourrait pas s’attendre à une réaction en douce d’un peuple qui a trop longtemps souffert par des agresseurs sans cœur ou d’âme pieuse de toute façon. Néanmoins, je me penche plutôt vers une approche purement spirituelle de la pratique en question.

Hormis son côté inhumain, spirituellement parlant, cette pratique pourrait avoir des conséquences néfastes sur notre environnement et à l’avenir. À cet égard, un aspect à prendre en considération : après la mort d’une personne, on organise habituellement une cérémonie funéraire avant de l’enterrer. Mis à part son côté conventionnel : cet aspect revêt d’une haute dimension de l’esprit. Pour beaucoup d’hommes et de femmes mystiques, ou plutôt, pratiquants de la magie, l’essence même de ce rite funéraire consiste à détacher l’âme du corps physique. Maintenant, qu’en est-il de ces personnes qui se font brûler vives ? Y a-t-il des rites qui sont effectués a postériori pour leurs âmes ? Quelle direction vont prendre ces âmes ? Ces interrogations méritent bien une profonde réflexion.

Que l’on veuille ou non, brûler une personne, telle qu’elle soit, reste et demeure une forme de sacrifice. Encore, faut-il se poser de questions afin de savoir : quelle entité nourrissent ces sacrifices ? À quelle divinité s’adressent-ils ?

Je vous laisse y réfléchir et j’espère que les réponses que vous aurez trouvées des réponses qui vous feront penser à agir différemment. Ces pratiques étant funestes et dangereuses au plus haut point pour les progénitures qui nous observent.

Aly S. BATHELMY , Etudiant finissant en Diplomatie et Relations Internationales/albathelmy@yahoo.com