Chine ou Taïwan, Haïti dans l’embarras du choix
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Chine ou Taïwan, Haïti dans l’embarras du choix

Depuis quelques années, des voix s’élèvent dans la société haïtienne afin que les gouvernements puissent nouer des relations diplomatiques avec la Chine continentale. Mais, pour avoir des relations avec cette dernière, il faut rompre nos relations avec Taïwan. Certaines personnes de différents secteurs de la société demandent que cela se fasse du jour au lendemain; mais la situation est beaucoup plus complexe que cela. Pour comprendre les soubresauts de ces relations, il faut remonter à la fin des années 40.

La révolution chinoise?

Le leader communiste chinois Mao Zedong

Le leader nationaliste Tchang Kai Chek

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le monde va connaître un conflit d’un nouveau genre qui est une lutte idéologique entre deux superpuissances : la guerre froide. Ce conflit va opposer les Etats-Unis qui prônent un modèle capitaliste et l’Union soviétique qui prône un modèle socialiste. Quelques rares pays ont été épargnés dans cette lutte idéologique mais la Chine seront l’un des pays qui va marquer ce conflit entre les superpuissances.

Au moment de la deuxième guerre mondiale, il y avait un parti nationaliste au pouvoir appelé Guomindang dirigé par Tchang Kai Check qui s’est uni au parti communiste de Mao Zedong afin de combattre l’invasion des japonais de la Chine en 1937. Après la guerre et le retrait des forces armées japonaises du territoire chinois, les deux grands partis rentrent en conflit en s’enlisant dans une guerre civile qui continue en 1945 puisqu’elle avait commencé en 1920. L’objectif de Mao avec son parti communiste et son armée appelée Armée populaire de libération n’avait pour objectif de prendre le pouvoir à Pékin. Il était soutenu militairement et financièrement par l’Union Soviétique de Staline. De l’autre, Tchang Kai Check était soutenu par les ayants à leur tête les Américains. En 1949, Mao Zedong envahit Pékin avec sa grande armée et prend le pouvoir en Chine. Tchang Kai Check défait, prend la fuite avec son gouvernement pour se réfugier dans une province insulaire appelée Formose qui sera appelée Taïwan.

La situation post-révolution

Après la révolution chinoise qui donne lieu, à la création de deux États qui sont la République populaire de Chine dirigée par Mao Zedong et la république de Chine (Taïwan) dirigée par Tchang Kai Chech, la communauté internationale se divise à la reconnaissance de l’un ou de l’autre. D’un côté, les concluants qui affichaient un certain laxisme en 1949 pour le gouvernement de Mao vont affirmer, au début de la guerre de Corée en 1950, avec l’implication de la Chine continentale en faveur de la Corée du Nord, que le gouvernement communiste est illégal et illégitime, et reconnaît le gouvernement de Tchang comme gouvernement légal et détenant la légitimité sur la grande Chine. De l’autre, l’Union soviétique et ses alliés, déclare que le gouvernement de Tchang était impopulaire et par conséquent, Mao Zedong a pris le pouvoir et qu’il est légal et légitime ; qu’il dirige la Chine. Cette situation va d’ailleurs pousser l’Union soviétique, membre permanent du conseil de sécurité, à pratiquer la politique de la chaise vide pendant plusieurs années, mais va reprendre son siège au conseil de sécurité (ONU) après la guerre de Corée.

La situation va rester ainsi durant plusieurs années, mais les protestations se produisent de plus en plus importantes pour que la République populaire de Chine de Mao soit reconnue par l’ensemble de la communauté internationale. Dans le bloc occidental, la France du Général de Gaulle va marquer une rupture avec ses alliés terminés en établissant des relations avec la Chine populaire.

Rencontre entre Mao Zedong et Richard Nixon en 1971

Mais, en 1971, Richard Nixon qui a pris le pouvoir aux USA deux ans avant, a décidé de normaliser ; malgré le conflit idéologique des relations avec les pays du bloc communiste. En dépit de sa réputation d’être un anti-communiste. Ainsi, il a décidé d’établir des liaisons avec la Chine mais accepte la condition imposée par cette dernière de reconnaître que le territoire insulaire fait partie intégrante de la grande Chine. La Chine populaire trouve plus tard en 1972 un siège au conseil de sécurité comme membre permanent en remplacement de Taïwan. Plus tard, Jimmy Carter établit des relations diplomatiques avec la Chine en 1978 en rompant désormais celles que son pays entretenait avec Taiwan. 

La diplomatie du chéquier

Ayant pour objectif de devenir une puissance mondiale dominante, la République populaire de Chine cherche des alliés dans les quatre coin de la planète. Ainsi, elle propose à plusieurs pays qui sont en Afrique, en Amérique ou dans le pacifique de nouer des relations diplomatiques avec elle et en échange, elle apporterait des investissements massifs dans plusieurs domaines de leur économie. Taïwan qui pour sa part lutte pour sa survie sur la scène internationale en voulant conserver ses alliés, apporte lui aussi des investissements dans les pays qu’il admet. Cependant, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin en voyant les investissements que fait Taïwan en Haïti afin de choyer les autorités haïtiennes à la reconnaître. Dans le monde, il n’y a que 17 États en Afrique, en Amérique et en Océanie qui ont reconnu Taïwan.

Pourquoi Haïti n’établit pas des relations avec la Chine  ?

Jovenel Moise et Tsai Ing-Wen le 13 juillet 2019

Il y a des raisons internes et externes qui expliquent la position d’Haïti en voulant maintenir des relations avec Taïwan.

D’abord, Taïwan qui en menant la diplomatie du chéquier finance plusieurs projets des gouvernements haïtiens et dans ce genre de financement, il n’y a pas de mécanismes fiables qui assurent que la gestion des finances de ces projets soit saine. De l’autre, il y aussi l’influence de l’oncle Sam. Les États-Unis depuis la normalisation des relations avec la Chine prennent la précaution de faire en sorte que Taïwan ne disparaisse pas sur la scène internationale en n’ayant aucun État à le reconnaître. En dépit du fait que le territoire insulaire revendiqué par la Chine, entretient des relations importantes avec la plupart des pays dans le monde en particulier avec les Américains, la diminution des États avec lesquels il entretient des relations menaçant sa survie sur la scène internationale.

Que peut faire le gouvernement haïtien ?

Depuis des lustres, les relations entre les États ne se font pas avec le cœur car, ce sont des intérêts qui les lient. Mais aussi, la priorité d’un gouvernement est de défendre les intérêts de sa population quant à l’interne qu’à l’externe. Sur le plan des relations internationales, le gouvernement qui en principe devrait être conseillé par une batterie de spécialiste en Relations Internationales, devrait prioriser les relations qui seraient plus rentables pour Haïti et donc, l’établissement des relations entre Haïti et les républiques populaires de Chine, car en dépit du fait que les stratégies se mettent en place soit pour que Taïwan reconnu, le jeu est en train de se fermer sur lui et de jour en jour,

Notre voisin a établi des relations diplomatiques avec le gouvernement de la république populaire de Chine en 2018 et commence à bénéficier de ces relations. Si dans ce jeu diplomatique, Haïti s’obstine à maintenir des relations avec Taïwan, dans l’hypothèse qu’à l’avenir aucun État ne reconnaitrait Taïwan, Haïti risque à l’avenir de ne pas bénéficier des mêmes avantages qu’offre la république populaire de Chine aujourd’hui et devra nouer des relations avec ce dernier.

Écrit par Joël Junior Beauséjour

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